La double inconstance
La double inconstance de Marivaux, un classique mis en scène par Raymond Acquaviva
Un spectacle créé en 203
75 représentations en 2004
Distribution
Raymond Acquaviva, Luc Baboulène, Stéphanie Bassibey, Benjamin Broux, Guillaume Cyprien, Cécile Lucani, Judith Margolin et Valetin Merlet
Note d’intentions
Nous avons choisi de situer l’action tout entière dans un palais oriental aux tons chauds et aux mélodies arabes. Des tapis marocains couvrent la scène, des voiles transparents isolent le prince de sa cour et délimitent l’espace du règne et du complot. Pâtisseries orientales, tchadors et bijoux viennent envelopper et séduire les deux figures candides venues d’occident : Arlequin et Silvia qui sont brutalement introduits dans un monde radicalement différent du leur, et confrontés à une culture dont ils ne soupçonnent pas les règles.
Il s’agit à travers ce parti pris de déplacer la référence, de donner un écho actuel aux thèmes du règne, des apparences, de l’enfermement. Puisque la société moderne ne permet plus de percevoir la royauté comme une référence absolue de pouvoir et d’autorité, le contexte doit évoluer et se tourner vers une actualité plus significative.
La culture islamique nous permet de désigner la modernité du texte : derrière un voile religieux se dissimule l’hypocrisie, qui guide toute l’intrigue. L’Orient est l’espace de l’érotisme, de la sensualité, et de l’ambiguïté. Il s’accorde donc à accueillir un jeu de séduction fondé sur la manipulation. Sous prétexte d’amour, on endoctrine aisément; et les armes du prince arabe et de son intrigante se révèlent vite efficaces. L’inconstance règne lorsque luxe et séduction sont mis en œuvre.
Les personnages occidentaux, gourmands et sensuels, résistent difficilement à l’attrait enivrant de la richesse et de l’exotisme. Cette rencontre entre Marivaux et l’Orient permet de mettre l’accent
sur la thématique de l’enfermement : le palais est un univers clos.
Dans cet univers où le masculin domine, le prince est tout puissant et constitue habilement son harem : en épousant Silvia, il ne fait qu’ajouter une figure supplémentaire à son lot de femmes voilées. Une fois « entchadorisée», Silvia scelle son destin, et renonce à la liberté. La confrontation entre l’Orient et l’Occident se résout par une victoire du pouvoir qui arrive à ses fins. Seule Flaminia affirme son indépendance et sa révolte ; elle sert le prince pour mieux servir ses propres intérêts, son union avec Arlequin n’est pas un acte d’amour mais de liberté : le voile glisse et dévoile ses cheveux, symboles de féminité et d’émancipation.
Le pouvoir de Marivaux se situe dans son habileté à mêler gravité des thèmes et légèreté du ton : l’humour est une arme redoutable qui permet ici d’accentuer le décalage entre Orient et Occident. Arlequin et Silvia donnent vie au comique de Marivaux en lui offrant la modernité de leur point de vue et de leur provenance occidentale. Les deux amoureux sont ici des touristes piégés et portent sur cet univers islamique un regard innocent mais non moins perçant. Ils dévoilent ainsi, au moyen d’un sens
aigu de la rupture, l’hypocrisie de ce sultanat irréel aux tons actuels.