Grande École de Jean-Marie Besset mise en scène Jeoffrey Bourdenet
Grande École de Jean-Marie Besset mise en scène Jeoffrey Bourdenet
Tous les lundis à partir du 17 avril à 20h30 (relâche le 12 juin) au Théâtre des Béliers parisiens
Assistante mise en scène Justine Haye
Avec Louis Atlan, Nolwen Cosmao, Corentin Etienne, Hugo Lebreton, Quentin Morant et Sophie Richez
Décors Marine Brosse
Lumières Denis Koransky
Grande École
Au terme de dures années d’études et de pression parentale, un groupe de jeunes gens entame sa scolarité dans une grande école de commerce.
Ils n’ont pas vingt-ans, ils sont la crème des étudiants, ils seront l’élite de demain si tout se passe comme prévu.
Voilà ces têtes bien pleines, libres enfin de découvrir l’amour et les autres.
« Grande École dresse le tableau d’une société où la bourgeoisie creuse et étend son territoire et son influence; réadaptant les us et coutumes de l’élite d’avant 1789. Modelant, formant, éduquant ses enfants dans la conscience de ce qu’ils sont et doivent devenir; un carcan social qui exclût toute initiative personnelle.
La voie tracée doit être empruntée quelles que soient les réticences. Il s’agit de sauver les apparences, et de suivre une tradition. Devenir quelqu’un c’est avoir une situation et être conforme à l’idée que ce milieu s’en fait. Cela passe, nécessairement, par la Grande Ecole. Puis, le diplôme en poche et l’obtention d’un poste important, s’en suit le schéma type du mariage avec quelqu’un de « comme il faut ».
Ici, six individualités nagent dans cet univers qui ne semble laisser aucune place à l’alternative. Figés dans leurs milieux où toute tentative d’émancipation parait proscrite.
Parmi eux, Paul, tente de se débattre. D’abord souscripteur, il finit par refuser. Et c’est cette opposition qui va générer, en lui, une véritable crise existentielle ; amené à remettre en question et relativiser ces choses si importantes face à la précarité de l’existence.
Une quête identitaire, anticonformiste, « révolutionnaire », qui va l’amener à vivre des évènements, qui le malmèneront et l’amèneront à une forme de marginalisation, de déviance.
Mais loin de toute fatalité, Paul se verra offrir l’espoir d’un accomplissement possible, d’une renaissance. »
Jeoffrey Bourdenet
« Un des phénomènes les plus caractéristiques et les moins commentés de la République
Française est celui des grandes écoles.
Ces institutions, inventées par la Révolution – encore qu’on en trouve des préfigurations dans l’Ancien Régime – magnifiées par l’Empire, n’ont cessé de grandir sous nos trois Républiques. Et même le stérile Régime de Vichy aura tenté d’innover dans cette matière. Ces grandes écoles constamment réformées et donc redorées, dont le principe élitaire, méritocratique et générateur de caste est si difficile à faire comprendre à un peuple démocratique comme l’est par exemple celui des Etats-Unis, ont permis à la bourgeoisie française de se renouveler sans cesse, jusqu’à notre temps, et de braver la modernité tout en conservant ses privilèges. A ce titre, la grande école, rêve de toute famille française, atteste le génie de la classe dirigeante de ce pays.
Ainsi, après les rudes concours de printemps, affluent chaque octobre à Paris des têtes bien pleines et souvent bien faites. Ce sont des individus, meilleurs élèves de leurs lycées respectifs, jeunes gens et jeunes filles, jusque-là solitaires, acharnés aux études, dociles à leurs parents, physiques souvent ingrats – acné, lunettes, cheveux gras-, pédants et antipathiques.
L’arrivée dans la grande école, en quelques semaines, voit ces chenilles se métamorphoser en gracieux papillons. A dix-neuf ans, la grande école et son campus, à une heure de Paris, semble Thélème décrite par Rabelais. Nos laborieux érudits se retrouvent désoeuvrés. Désormais, leur école leur garantit à vie un statut social. Voici même que le peu de travail qu’on leur demande ici leur laisse le loisir de découvrir les autres et de se découvrir eux-mêmes.
Il y a là quelques jours d’ajustements – de flottement – assez extraordinaires : des enfants macrocéphales découvrant leur corps d’adultes. Certains y perdent la vie. Chaque promotion a son petit pourcentage de suicides et d’accidents violents. Cependant, l’éclosion est aussi brutale que brève. Sitôt quelques expériences faites et de nouvelles leçons chèrement apprises, tout rentre dans l’ordre. Les trois premiers mois dans la grande école voient des amours bizarres, des amitiés inconcevables, des groupes saugrenus, des clans, des antipathies, des passions, des haines s’échafauder et se dissoudre. Ces mystères-là étant vécus, il reste trois ans de scolarité à moudre, le plus souvent sans encombre.
Ma pièce s’essaie donc à décrire cette période d’effervescence où tout parait s’affoler, où les mécaniques en apparence si bien huilées de ces convenables adolescents s’emballent. Il s’agissait de rendre compte de cette explosion secrète. Ceux qui l’ont vécue la reconnaîtront. Pour moi, elle me ramène onze ans en arrière, une époque d’une grande douleur, d’une immense saveur. »